Triangle

Le propriétaire m’avait appelé une fois de plus. Le con, il m’appelle tous les jours pour parler des réparations que j’exige qui doivent se faire dans la maison. J’étais fauché mais il ne semblait pas pouvoir le comprendre, vu qu’il me demandait de l’argent tous les 2 jours. Le type, il ne sait pas que même quand on est jeune et censé dépendre de ses parents on ne peut pas tout leur demander. Il y a un minimum de décence à avoir. Et j’ai beau avoir que 22 ans, j’ai mon lot de problème émotionnel.

– Bonjour Peterson

– Bonjour monsieur et madame Dagrin, vous allez Bien?

– Ça pourrait aller mon fils mais nous avons un petit problème, je sais pas comment te le dire.

– Mon mari en regardant par la fenêtre de ta chambre t’a vu coucher nu contre un autre homme nu. Un sodomite chez nous, c’est inacceptable.

– Je comprends que vous ne vouliez pas de n’importe qui chez vous, mais jusqu’à juin prochain, c’est ma maison et je me permets d’y recevoir qui je veux. En quoi deux personnes qui décident de jouir ensemble vous dérangent?

– Je suis un homme, j’ai pris une femme comme c’est recommandé par la bible.

– Les femmes sont trop bon, comment oses tu faire ça a tes parents?

– Madame, je vous serai reconnaissante de laisser à mes parents le soin de juger les choix de leur fils. Dieu dans la bible demande de ne pas juger. Il demande de tuer les homosexuels, tout comme il punit les filles victimes de viol en les mariant a leurs violeurs.

– Certaines choses peuvent être vus différemment, nous sommes plus à la même époque.

– Parmi ses choses qui doivent changer, le point de vue de la religion sur l’homosexualité n’en fait pas partie? Un coup d’oeil sur l’histoire de notre monde nous montre que l’homosexualité a toujours existé, on retrouve ses traces dans toutes les anciennes civilisations et c’est le christianisme, le judaïsme et l’islamisme qui ont fait de l’homosexualité un péché. L’homosexualité n’est pas non plus un choix, des études ont montré que le sexe vers lequel on va être attiré est décidé depuis l’embryon. J’aimerais continuer à débattre avec vous mais j’ai un rendez-vous très important, et j’y vais à pied. C’est pas très loin et je veux m’éclaircir les idées. On continue demain?

– Bon, tu as des arguments intéressants. Ils m’ont tout l’air de propagande de l’occident pour impliquer leurs vices dans nos coeurs mais je me ferai un plaisir de t’écouter. Je pense que je vais réfléchir sur ce que tu m’as déjà dit.

Ainsi, je pris congé. C’est fou comment les gens peuvent être bornés ou homophobes alors que c’est plutôt facile à comprendre. J’ai 3 cousins au premier degré et ils sont tous gays. Je suis le seul hétéro de cette génération. Cela n’a jamais affecté nos relations sinon que cela a fait de moi l’un des alliés les plus sûrs de la communauté LGBT. Mon cousin passe quelques jours avec moi et tout comme moi il dort nu. S’ils avaient pris le temps de regarder, ils auraient remarqué la ressemblance. Mais leur dire que j’étais hétéro m’aurait fait perdre l’occasion de défendre la communauté et d’enlever deux membres de la communauté des homophobes.

Je suis souvent pris pour un membre de la communauté LGBTet c’est vrai que je suis très proche d’eux. Cela m’a permis de me rendre compte que s’ils avaient eu le choix, très peu auraient choisi d’être LGBT. J’ai été agressé, j’ai reçu des lettres de menaces, j’ai été pointé du doigt, j’ai été mal reçu quand j’ai été recevoir des services dans des institutions publiques et privées. Du coup, je comprends ce que ça fait d’être LGBT. Je me demande aussi parfois si être LGBT ne m’aurait pas rendu certaines choses plus simples.

Je suis prèsque arrivé chez Delia, ce n’est pas ma petite amie mais ce n’est pas une simple amie non plus. On aurait pu être ensemble si je n’étais pas un tel abruti. Je savais qu’elle m’aimait, alors que ça ne fait pas encore deux mois. Je savais qu’elle m’aimait mais je n’avais aucune idée de l’intensité avec laquelle elle m’aimait, mais depuis une semaine je sais. Et je me suis dis est-ce moi ou les femmes en général tombent amoureuses facilement. Les femmes m’ont toujours aimé et des fois je me demande pourquoi. Delia m’aime avec autant d’intensité qu’une ex avec laquelle j’ai presque vécu un an. Sauf qu’avec elle l’amour n’était pas saine, elle a du se faire aider. Et avec tout cet amour qu’elle me donnait, elle a menti à tout le monde, elle a même réussi à duper ma sœur. Elle clamait partout le fait qu’elle m’ait été fidèle et qu’elle me reste fidèle après notre rupture. Mais en vérité, à chaque fois que j’avais le dos tourné, elle amenait des hommes chez moi pour la sauter. Si je la déteste autant aujourd’hui c’est parce que j’étais sorti avec ma sœur quand elle a payé un vulgaire chauffeur de taxi pour coucher avec elle. Je ne saurai faire la liste de tout ce qui m’énerve dans la situation et elle est passé de personne que j’aimais bien à l’une des personnes que je déteste le plus au monde.

Enfin je suis chez Delia, je la regarde s’activer dans la maison et je souris. Elle est du genre à faire des milliers de choses en même temps. Depuis une semaine, la situation est un peu différente. Elle essaie surtout de me faire parler alors que je n’ai pas de mots pour lui expliquer ce qui s’est passé. Elle me regarde me dis je t’aime et souris. Elle me dit je t’aime et souris pour ne pas avoir à dire que j’étais là plus belle chose qui lui soit jamais arrivé, que même si je n’étais pas officiellement son homme, elle serait toujours la pour me chérir, me soutenir, m’aimer et prendre soin de moi. Son je t’aime veut dire qu’elle pleure quand ses amis lui disent que jamais je ne ferai d’elle ma copine officielle, qu’elle pleure quand mes amis ne la jugent pas assez digne d’être ma copine. Je lui réponds je t’aime et lui souris à son tour. J’espère qu’elle comprendra que cela veut dire que je souffre de ne pouvoir l’aimer comme je devrais, que ça me tue de la voir aussi amoureuse et que tout l’amour qu’elle me porte ne saurait égalé celle que je porte à une autre personne qui me prend pour acquis. Que j’ai beau m’éloigner, fuir et courir tous mes pas me ramènent vers cette unique et même personne. Comment entamer une relation sérieuse avec elle si je sais que je finirai par la quitter pour cette autre personne?

Les étudiants de la fac m’avaient donner un boisson, c’était leur composition et je n’avais pas le droit de demander ce qu’il y avait à l’intérieur. D’habitude je trouve ces jeux stupides mais j’étais seul à la maison et ils m’avaient promis que la boisson ne me tuera pas. Delia est arrivée alors que je commençais à boire, je lui ai expliqué ce que je faisais et elle a voulu boire avec moi. Une heure après avoir bu, on copulait comme si c’était la seule solution contre une destruction imminente de la terre et que le temps nous manquait.

Cela faisait un peu plus d’une heure que l’on s’envoyait en l’air. Delia avait déjà joui cinq fois et se plaignait qu’elle n’en pouvait plus. Je n’avais pas encore joui et je voulais continuer, elle joui une sixième fois, enleva le préservatif de mon pénis et l’envoya au loin. J’étais un peu en colère donc je m’elancai vers l’autre extrémité du lit très grand pour mettre un peu de distance entre nous corps. A ce moment, le temps s’arrêta, je me mis à vivre au ralenti et je vécu le moment le plus intense de toute ma vie. Ce fut à la fois le plus beau et le plus triste moment de ma vie.

Pour un observateur extérieur, l’instant ou je m’elancai vers l’autre extrémité du lit et l’instant ou Delia me rattrape pour me serrer entre ses bras ne dure que quelques secondes. Mais pour moi c’était des minutes. Ça me renvoyait à un film où je tomberais du toit d’un immeuble et où Delia serait l’héroïne qui saute pour me rattraper. J’ai pu lire chaque expression de son visage, il y a d’abord eu la panique puis la peur. Elle était affolée, perdue, terrifiée. J’avais l’impression que ses bras faisaient des mètres de longs et quand mon corps a enfin touché le sien, elle s’est mise à répéter : » je te demande pardon. Je ne ferais plus jamais ça. Ne m’abandonne pas. Je te demande pardon. Ne t’en va pas. Je ne veux pas que tu t’en ailles. » A chaque phrase, elle déposait un baiser sur mon torse. Elle n’arrêtait pas de trembler, comme si elle venait de passer le moment le plus terrifiant de sa vie. A mon tour, je me mis à lui murmurer a l’oreille que je serai toujours là, que jamais je ne l’abandonnerai. Et elle se leva subitement, et se précipita sous la douche.

J’entendais l’eau coulé et je maudissais Marcia, celle qui avait pris les clés de mon cœur et s’était enfuie avec. Elle était la seule raison pour laquelle je n’avais pas franchi le pas avec Delia. Tous les autres contraintes sociales et économiques que j’avais pu évoquer par le passé n’étaient que prétextes. Je me rendais compte que Delia m’aimait beaucoup plus qu’elle ne laissait le croire. Et à tous les coups, elle va souffrir. Se séparer maintenant, c’est la blesser, la situation comme elle est, la fait souffrir et si on se met officiellement ensemble, tôt ou tard j’irai vers Marcia même si cela doit prendre dix ou vingt ans. Le vrai problème c’est que depuis toujours j’ai un vide a l’intérieur que ni rien ni personne n’arrive à combler. Marcia a exactement la même forme que mon vide. Elle me remplit parfaitement et à chaque fois qu’on se sépare, il me manque un petit bout de ce qui fait de moi un être humain. Delia est comme un corp changeant d’état sans adopter une forme propre. Des fois liquide, solide ou gazeuse, elle me remplit presque parfaitement mais depuis ma plus tendre enfance jusqu’à maintenant, Marcia est la seule à avoir pu me remplir aussi bien. Est ce une raison suffisante pour hypothéquer mon bonheur?

Delia coupa court à mes réflexions quand elle s’allongea mouillée contre moi. Je lui demandai si ça allait et elle me répondit qu’il était temps que l’on dort. Nous avions passé près de 5 minutes dans le noir avec le bruit nos respirations pour remplir le silence de la pièce. Elle s’asseya et elle me dit: « Bébé, tout à l’heure tu t’es fâché contre moi. Pourquoi? » Ne sachant que répondre, je lui dis que je n’étais pas fâchée mais elle insista en disant: « Non, tu étais fâché, je l’ai constaté ». Elle s’est tue pendant au moins une minute avant de rajouter un je t’aime qui faisait souffrir, un je t’aime qui sortait de sa gorge en la lui déchirant, tout comme elle avait dû déchiré ses entrailles avant. Puis elle se mit à frapper sa paume contre son front et à pleurer. Je m’asseyai à mon tour et la pris dans mes bras….

– Helllo, ici la terre.

– Désolé Delia, j’étais ailleurs.

– Depuis le moment que je te parle, je parle seule. C’est vraiment pas croyable.

– Je m’excuse mon amour, de quoi voulais tu me parler?

– De la boisson, ou du moins de ses conséquences. Je rêve de choses que j’ai dites ou faites et j’ai peur que cela ne soit vrai.

– Je pense que c’est vrai, mais dis moi de quoi tu te rappelles.

On passe les prochaines heures à se mettre d’accord sur nous souvenir. Après avoir fait une reconstitution plutôt fidèle des heures passées ensemble. On reste assis en silence, à se regarder dans les yeux, gênés. On a tous les deux dit ou fait des choses que l’on regrette et je pense que l’heure était venu d’assumer. En ignorant la petite voix qui me dit que je m’apprete à faire la plus grande erreur de ma vie, je prends mon courage à deux mains et je fais la seule chose qui me paraît logique.

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